M’RIZEK

M’RIZEK

Poètes

M’rizek Par Mustapha Boutadjine Paris 2008 - Graphisme-collage, 120 x 90 cm

Élégance et modestie

Par Mustapha Hamidouche Journaliste

Hadj M’rizek, avec sa légendaire chéchia « dziria » imposante. C’est l’empreinte de ce ténor du « chaâbi ». Sa voix hors pair et son immense talent ont marqué la musique algéroise à la Casbah, où l’on se remémore les soirées envoûtantes inoubliables qu’il a animées à cette époque. Pour certains, c’est le signe de son attachement au nationalisme et à la résistance contre les tentatives de déculturation du colonialisme. Qui ne connaît pas son célèbre tube El Kahoua ou latay (le thé ou le café), interprété avec une passion sans pareille ?
Hadj M’rizek, Arezki Chaïb de son vrai nom, l’un des grands artistes de la Casbah, berceau la chanson « chaâbi », disparaissait malheureusement il y a soixante ans, le 12 février 1955, à l’âge de quarante-trois ans. L’élégance, la modestie et la joie de vivre sont les traits de personnalité de cet artiste qui a marqué de son empreinte cette musique citadine algéroise. À l’origine, Hadj M’rizek a fait un apprentissage musical classique (tar et derbouka), mais son instrument de prédilection est le mandole. Il s’imprègne des grands textes de la poésie populaire et travaille différents types de chants en commençant d’abord par le « hawzi », avant de se mettre au « chaâbi ». M’rizek avait des qualités artistiques que sont la clarté de l’expression verbale et son sens inné du rythme.
Enfant prodige de Bir Djebbah, le vivier culturel de la Casbah où il vit le jour le 18 novembre 1912, Hadj M’rizek est issu d’une lignée de mélomanes et d’artistes, à l’exemple de ses demi-frères Kihiouedji, l’aîné, qui a été son guide et conseiller, et Moh Akli, le cadet, qui a été un artiste de la percussion et du rythme « mizane » et qui a terminé sa carrière en fidèle accompagnateur dans l’orchestre du célèbre El Hachemi Guerrouabi. Il avait aussi comme benjamin le monument de la comédie et du théâtre algérien, Rachid, dit Rouiched. C’est le premier artiste qui a réussi à faire sortir le « chaâbi » de la Casbah d’Alger. Il devient la star de la Casbah en 1929, bien avant El Hadj M’hamed El Anka. Il participe entre autres à des fêtes à Dély Ibrahim et dans le M’zab. Sa renommée atteint la métropole où il enregistre plusieurs 78 tours. Hadj M’rizek est devenu une école, une source d’inspiration pour plusieurs grands interprètes, dont El Hachemi Gerrouabi.
Hadj M’rizek avait plusieurs passions. Hormis la musique, il aimait plus que tout le Mouloudia Club d’Alger, club de football populaire algérien, symbole de la Casbah. « Mon père était très engagé dans le mouvement national et dans sa communauté. Il était vice-président du Mouloudia Club d’Alger, et il a donné tout ce qu’il avait pour ce club qu’il aimait plus que tout. Il a même écrit et composé la mythique chanson Ya li hab taâmel sport, qui reste dans les annales de la chanson sportive en Algérie », témoignait sa fille récemment. Difficile de dresser un portrait d’un des plus grands maîtres du « chaâbi », qui a rivalisé avec le Cardinal El Hadj M’hamed El Anka. Cette richesse a permis au « chaâbi » de se diversifier, pour le plus grand bonheur de ses fans.