JACQUELINE GUERROUDJ

Jacqueline Guerroudj

Par Mustapha Boutadjine - Paris 2012 - Graphisme-collage, 100 x 81 cm

Elle a payé sa dette

Par Alain Gresh Journaliste au Monde diplomatique

Est-ce un signe ? Elle a, par deux fois, échappé à la mort. La première durant l’occupation nazie de la France, alors qu’elle était internée comme « juive » et menacée de déportation ; la seconde en 1957, quand elle fut arrêtée durant la « bataille d’Alger » et condamnée à mort par le gouvernement français. Durant son procès elle déclarera : « Sous l’occupation nazie en France, j’ai été, en tant que juive, internée dans un camp de concentration (…), mais j’ai été aidée et sauvée ainsi que d’autres membres de ma famille, par des résistants français. (…) J’ai pleinement réalisé qu’il y avait des circonstances où il était impossible de ne pas prendre position et que j’avais contracté une dette que je me suis promis de payer dès que j’en aurais l’occasion. »

Née en France en 1919, Jacqueline Netter a rejoint son poste d’institutrice à Tlemcen en 1948, où elle fera la connaissance de son mari Abdelkader Guerroudj, lui aussi instituteur et militant du Parti communiste algérien (PCA). Elle dira plus tard : « Au contact des paysans, j’ai beaucoup appris de la vie à Tlemcen, c’était la période la plus féconde de mon existence. » Elle rejoint l’organisation militaire créée par le PC, les Combattants de la liberté, puis, à la suite de l’accord entre le PCA et le Front de libération nationale (FLN) en juin 1956, devient agent de liaison de l’Armée de libération nationale (ALN). Cette année-là, le général Massu lance une offensive pour prendre le contrôle d’Alger, ne reculant devant aucun moyen, notamment la torture. Jacqueline est arrêtée en janvier 1957, comme bon nombre de cadres européens du PCA. Elle est accusée d’avoir livré une bombe à Fernand Iveton, un militant communiste qui devait saboter une usine à gaz. Bien que l’attentat ait échoué et n’ait fait aucune victime, Iveton sera condamné à mort et guillotiné, sa grâce ayant été rejetée par le président René Coty, avec l’appui du ministre de la justice François Mitterrand.

Condamnée à mort elle aussi, Jacqueline sera sauvée par une large campagne de solidarité dans laquelle s’engage Simone de Beauvoir. Graciée en 1959 par le général de Gaulle, elle sera amnistiée et libérée après la fin de la guerre en 1962. Au lendemain de l’indépendance, elle entreprend une longue carrière à la Faculté d’Alger en tant que bibliothécaire et participera, avec toute son énergie, à la difficile construction du pays.
« Doyenne des moudjahidate », elle est décédée le 19 janvier 2015 et sera enterrée au carré des martyrs, au cimetière El Alia (Alger). Elle incarne, comme beaucoup de militants de cette génération, un authentique engagement internationaliste, un engagement que partageaient en métropole tous ces Français qui combattirent une guerre injuste faite en leur nom et qui, pour certains, participèrent directement au combat de la libération du peuple algérien et qui resteront connus comme « les porteurs de valise ».