MAURICE AUDIN

Maurice Audin

Par Mustapha Boutadjine - Paris 1996 - Graphisme-collage, 42 x 30 cm

À un ami que je n’ai pas connu

Par Henri Pouillot Témoin de la guerre d’Algérie Président de l’Association républicaine des anciens combattants, Yvelines (78)

Le 11 juin 1957, l’Armée française venait à ton domicile et, devant tes enfants, ta femme Josette, elle t’embarquait. Tu étais devenu prisonnier et tu n’en reviendras pas.
Que te reprochait-on ? Tu étais communiste, et soutenais le mouvement indépendantiste algérien. Tu étais supposé héberger des communistes, « ces traîtres à la France » qui avaient adhéré à la cause algérienne.
Le 1er juillet, trois semaines plus tard, l’Armée française venait annoncer à Josette que tu t’étais évadé le 21 juin. Quelle ignoble farce.
Jusqu’au 17 juin 2014, cela restera la version officielle. Pourtant Pierre Vidal-Naquet conclura à ta mort sous la torture dès mai 1958. Dans les archives du colonel Godart découvertes en 2001, un militaire est désigné comme ton assassin. Le général Aussaresses, juste avant sa mort en 2013, ne contestera pas cette version.
Enfin, le 18 juin 2014, le président François Hollande annonce que, en fonction des documents et témoignages concordants qui ont été collectés, tu ne te serais pas évadé mais serais mort en détention. Ouf. Comment ? Dans quelles circonstances ? Qu’est devenu ton corps ? Pas de réponses !!!
Pourtant le président Hollande s’était engagé dès son élection à cette fonction, fermement, dans sa réponse à Josette, à lui faire transmettre toutes les informations concernant son mari.
Alors, pourquoi ces « documents et témoignages concordants » qui permettent au président d’affirmer que la thèse jusque-là « officielle » était erronée ne sont-ils pas rendus publics ? Qui (peut-être au pluriel) doit donc être protégé ? Et qu’a fait l’armée de ton corps ?
Faudra-t-il attendre que Josette, ses enfants, disparaissent, pour que la vérité, toute la vérité, soit enfin connue ?
Quand la pratique de la torture, cette institution de la guerre d’Algérie, sera-t-elle enfin reconnue et condamnée ?
Près de soixante ans après, ce silence est indécent, inacceptable, indigne des valeurs de la République française.
Oui, Maurice, mon ami que je n’ai pas connu, ton martyr ne doit pas rester un mystère, nous continuerons ce combat pour te rendre l’hommage que tu mérites.