Jimi Hendri

Par Mustapha Boutadjine - Paris 2000 - Graphisme-collage, 120 x 90 cm

L’enfant vaudou

Par Christian Kazandjian Journaliste, écrivain

James Marshall (Jimi) Hendrix, né le 27 novembre 1942, à Seattle, aura bâti sa légende en moins de cinq ans. Il donne un premier concert avec son groupe Experience à Évreux le 13 octobre 1966, en vedette américaine de Johnny Halliday ; il meurt le 18 septembre 1970 à Londres, quelques jours après s’être produit au festival de l’île de Wight en Angleterre. Comme les artistes qui semblent posséder cette manière d’intuition de leur mort proche, il brûle sa vie sur le bois de la guitare qu’il caresse de ses doigts de gaucher contrarié. Il invente une musique puisant aux rivières du blues, du jazz, de l’électronique : dès la première note arrachée à un instrument pleurant des accords jusqu’alors inouïs, il plante son style cosmique, sauvage, après avoir beaucoup écouté les bluesmen noirs historiques, BB King, Albert King, Muddy Waters. Qu’il arrange des blues traditionnels (Hey Joe) ou des chansons de Bob Dylan (Like a Rolling Stone), il les cisèle en joyaux de référence. Noir et Cherokee, il souffre avec ces deux peuples, les siens, que la ségrégation rejette à la marge, quand elle ne les élimine pas, livrés aux pièges de la drogue, de l’alcool et du désespoir.
Citoyen d’un monde où la violence étouffe les rêves d’une jeunesse préférant l’amour à la guerre, il crache sa colère à la gueule des dirigeants des USA qui déversent des cataractes de napalm sur le Viêt Nam. Woodstock 1969 : Star-Spangled Banner, l’hymne national, est saturé, trituré, les crépitements de la guitare Fender font écho aux bombardements des B-52 et sont autant d’avertissements à l’Amérique qui massacre des civils. Jimi Hendrix, l’enfant vaudou, a exorcisé ses peurs et celles de son peuple en réinventant le blues. Explorateur des confins de l’univers de la création, il a enrichi le jazz d’un Miles Davis, d’un Roland Kirk, d’un Gil Evans. Son premier groupe se nommait Experience, comme slogan de toute une vie. Jimi Hendrix s’est invité dans le gotha du blues, cette musique née dans les champs de coton où trimaient à en crever les esclaves noirs.