HUGO CHÁVEZ

HUGO CHÁVEZ

America basta

Hugo Chávez
Par Mustapha Boutadjine
Paris 2010 - Graphisme-collage, 120 x 90 cm

L’étincelle de l’Amérique latine

Par Cathy Ceïbe Journaliste à L’Humanité

Le parler d’Hugo Chávez vibre encore. Dans la mémoire collective des exclus de toujours, et dans l’imaginaire révolutionnaire si réel d’une Amérique latine dont l’histoire plonge ses racines dans le pillage honteux et l’esprit de révolte. Les saillies du Comandante puisaient dans le vrai. Le vécu des gens. Il chantait, et racontait. Il dénonçait et désirait, avec le mot juste, le verbe aguerri. Le président défunt rêvait de concret, de soif d’égalité, de désir de dignité. Lorsqu’il surgit sur la scène politique, à l’aube du XXIe siècle, le Venezuela, son pays, la patrie de Bolívar, la figure de l’indépendance qu’il chérissait comme une âme sœur, suffoque. Le pétrole coule à flots. Les nantis s’empiffrent. Et les va-nu-pieds, eux, crèvent. Le continent, plan pilote du néolibéralisme des Chicago Boys du FMI, agonise. Hugo Chávez s’impose. Comme une évidence, mais non sans mal. Il bouleverse le Venezuela, l’Amérique latine et le monde progressiste.
Son syncrétisme agace ; il séduit. Nationaliste, révolutionnaire, chrétien, patriote, bolivarien, latino-américain, internationaliste, solidaire, humaniste, socialiste, Hugo Chávez déstabilise les codes, les us et les ordres de pensées. Les dépourvus et nécessiteux s’identifient à l’homme, à son propos. Les couches moyennes, la droite, le patronat, les médias privés et autres experts des cercles libéraux vénézuéliens et d’ailleurs, le vomissent. Les étiquettes fusent : « populiste », « dictateur », « autocrate ». Ces insultes sombrent. Fort de sa popularité auprès des siens, Hugo Chávez, à la tête du pays depuis 1998, enchaîne les victoires électorales, convaincu « que les idéologies étaient non seulement utiles, mais qu’elles étaient nécessaires ». La pauvreté recule, l’analphabétisme disparaît, et voilà que l’on reparle de travail décent.

Avec son ami cubain Fidel Castro, ses frères bolivien et équatorien, Evo Morales et Rafael Correa, ils redessinent, ensemble, les contours d’un continent jusqu’alors meurtri par l’impérialisme des États-Unis. Le progrès et l’égalité ne sont plus des vœux pieux. Il n’en fallait pas tant pour déchaîner les foudres. D’autant que le Comandante soigne des amitiés sud-sud controversées. La provocation n’est jamais loin chez lui. Certes. Mais la boussole qui guide ses pas est dénuée d’artifice. Hugo Chávez transpire un sens aigu de la souveraineté et des siens. En 2013, le 5 mars, il s’éteint. Mais sur les hauteurs des barrios où vivent ceux qui n’ont jamais cessé de croire aux mêmes idéaux, les vers du poète vénézuélien Alí Primera résonnent encore : « Ceux qui meurent pour la vie ne peuvent être des morts. » Il subsiste l’aventure inattendue d’une communion entre un président et son peuple.